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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
20 mars 2023

295 députés refusent de censurer le gouvernement pour sa réforme des retraites

« Face aux extrêmes, face aux alliances de circonstance qu'on a vu fleurir ces derniers jours, face aux opportunismes de tout bord, face au cynisme qui peut trop souvent exister ici, oui, la réponse, encore et toujours, elle est dans le dépassement et elle est dans le rassemblement. Les Français nous ont élus. Les Français nous ont choisis. Les Français sont prêts au dépassement et au rassemblement. La majorité y est prête. Que celles et ceux qui sont de bonne volonté s'engagent avec nous ! » (Aurore Bergé, le 20 mars 2023 dans l'hémicycle).




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La motion de censure soutenue par LIOT et toute la gauche a donc échoué à rassembler une majorité absolue de députés ce lundi 20 mars 2023. En effet, seulement 278 députés l'ont votée, ce qui était insuffisant pour renverser le gouvernement, il fallait 287 voix. Il a manqué 9 députés à convaincre. La réforme des retraites est donc définitivement adoptée par le Parlement. La dernière étape avant promulgation sera la probable saisine du Conseil Constitutionnel et surtout, la publication de son avis, qui pourrait invalider certaines dispositions considérées comme des "cavaliers législatifs" (c'est-à-dire, ici, qui ne seraient pas considérées comme faisant partie d'une loi de financement de la sécurité sociale).

Autant le dire, si la motion de censure a été rejetée, elle a quand même rassemblé énormément de députés. De toutes interventions avant le vote des deux motions de censure (la seconde, soutenue par le RN, avait peu de chance de faire un meilleur score que la première), celle de la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé a été particulièrement percutante (sans notes) pour fustiger toutes les oppositions et notamment celui qui a soutenu la première motion de censure, à savoir le centriste Charles de Courson, député depuis sept mandats (depuis 1993) et qui sans cesse s'est spécialisé dans la rigueur budgétaire, mais aujourd'hui soutient une motion de censure pour empêcher le rééquilibrage financier de notre système de retraite par répartition. Je reviendrai sur son intervention ultérieurement.

Cet équilibre financier est essentiel à long terme, c'est un simple question de démographie si on veut continuer la solidarité entre les générations (les actifs payant les pensions des plus âgés). C'est un impératif en faveur des plus pauvres, car les plus riches se moquent bien de la retraite par répartition, ils ont un patrimoine qui les fera vivre jusqu'à leur fin de vie et si le système par répartition explosait, ils pourraient s'en passer, ce qui ne serait pas le cas des personnes qui n'ont pas eu la possibilité, pendant leur carrière professionnelle, car rémunérées trop faiblement, d'épargner pour leur retraite future.

La première motion de censure a recueilli 278 voix (scrutin n°1240 annoncé le 20 mars 2023 peu avant 19 heures) dont la totalité des groupes de la Nupes et du RN, ainsi que 18 députés LIOT sur 20 (dont Charles de Courson, Jean-Luc Warsmann, Bertrand Pancher et Olivier Serva), 4 non-inscrits sur 5 (dont Nicolas Dupont-Aignan, David Habib et Adrien Quatennens qui a pu s'exprimer en tant que non-inscrit), et surtout, 19 députés LR sur 61 (dont Pierre Cordier, Fabien Di Filippo, Julien Dive, Pierre-Henri Dumont, Maxime Minot, Aurélien Pradié, Raphaël Schellenberger, Jean-Pierre Vigier).

La seconde motion de censure du RN a recueilli seulement 94 voix (scrutin n°1241) : les 88 RN, 3 LR (Maxime Minot, Fabien Di Filippo et Pierre Cordier), PS (Christian Baptiste) et 2 non-inscrits (dont Nicolas Dupont-Aignan).

La conclusion de Yaël Braun-Pivet, la Présidente de l'Assemblée Nationale, était donc logique : « Aucune des deux motions de censure déposées n’ayant été adoptée, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement déposé par le gouvernement, est considéré comme adopté. ».

Dans le passé, des motions de censure ont raté l'adoption avec un écart encore plus faible que 9 voix. Cependant, la seule motion de censure qui a été adoptée sous la Cinquième République, c'est la motion de censure défendue le 5 octobre 1962 par un ancien Président du Conseil, le républicain indépendant Paul Reynaud, qui avait rassemblé "l'ancien monde" (celui de la Quatrième République voire la Troisième République), de droite ou de gauche, contre le projet de faire élire le Président de la République par l'ensemble du peuple français.

Quand De Gaulle a dissous l'Assemblée en octobre 1962, aucun gaulliste n'imaginait rester au pouvoir, ils pensaient être balayés électoralement par cette conjuration des oppositions... et finalement, ils sont restés au pouvoir encore pendant douze ans ! Quant à la dissolution de mai 1968, en pleine révolution étudiante, là encore le pouvoir gaulliste a obtenu une très large majorité, loin des prévisions apocalyptiques.

On pourra toujours gloser sur un supposé déni de démocratie : ceux des députés qui remettent en cause les institutions (ratifiées par le peuple français) sont les premiers à remettre en cause notre démocratie. Il faut voir ces députés insoumis, qui portent stupidement leur écharpe tricolore au sein même du Palais-Bourbon (comme s'ils étaient les seuls députés des lieux !), qui justement ont toujours voulu saboter la Cinquième République et qui en profitent aujourd'hui alors que ce n'est un problème institutionnel.

Le vrai problème, du gouvernement mais plus généralement, de la classe politique, c'est surtout l'absence de majorité absolue (voulue par les Français). Si le gouvernement disposait d'une majorité absolue à l'Assemblée Nationale, il aurait pu procéder au vote du texte de la commission mixte paritaire et il aurait été adopté. L'article 49 alinéa 3 de la Constitution était prévu par les constituants justement dans le cas où les gouvernements ne disposaient pas d'une majorité absolue pour ne pas le rendre impuissant face à une assemblée sans direction, sans majorité. D'ailleurs, le scrutin très serré (9 voix d'écart) est la preuve de la démocratie. Dans un régime autoritaire, il n'est pas de victoire à 51,5%, il faut au moins 90%, voire 99% ou même 100% (comme en Chine).

Engager la responsabilité de son gouvernement était pour la Première Ministre beaucoup plus responsable et démocratique puisqu'elle a mis l'existence même de son gouvernement en balance pour faire adopter la réforme des retraites. Mais le problème des mélenchonistes, c'est qu'ils inversent tous les arguments sur les institutions : ils les sabotent et ensuite, ils en concluent qu'il faut les changer ; ils refusent le débat par l'obstruction et ensuite, ils critiquent le manque de temps pour débattre. Et entendre Sandrine Rousseau supplier les députés LR de voter la motion de censure, on se croyait chez Guignol.

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Par ailleurs, Élisabeth Borne ne peut historiquement pas démissionner avant quelques semaines ou mois. Au regard de l'histoire, on ne peut pas faire de la seulement seconde femme Première Ministre dans notre histoire une chef de gouvernement avec une longévité encore plus faible que la première, Édith Cresson. Du reste, elle n'a pas démérité et les problèmes qu'elle a eus ne sont pas de son fait, les deux principaux, l'obstruction des excités de la Nupes et la désunion du parti Les Républicains.

C'est surtout la leçon du jour : ce n'est pas la majorité qui est le centre d'attention mais bien les députés LR. Ce parti Les Républicains n'a plus de boussole, plus de direction, plus de stratégie, plus d'idéologie, c'est un parti à la dérive, ce qui est inquiétant car il faisait partie des piliers de notre démocratie, tout comme le parti socialiste totalement à la dérive par sa soumission totale à Jean-Luc Mélenchon.

En effet, un tiers des effectifs du groupe LR a refusé la position de son président Olivier Marleix de soutenir le texte de la commission mixte paritaire (il faut rappeler que le gouvernement a accepté toutes les revendications des groupes LR au Parlement, l'opposition de certains LR n'est donc pas motivée par le fond mais par la posture électorale). 19 députés LR ont voté pour la première motion de censure et même 3 d'entre eux ont aussi voté pour la seconde motion de censure, celle de Marine Le Pen. Cela va avoir de durables conséquences politiques pour LR (j'y reviendrai spécifiquement).

Cela démontre que le gouvernement a eu raison d'avoir eu record à l'article 49 alinéa 3 ; un simple vote aurait forcément échoué puisque les députés LR n'étaient absolument pas fiables. Charles de Courson, très en colère contre la méthode, ne disait pas autre chose : « Vous avez échoué à rassembler, vous avez échoué à convaincre. Alors, vous avez cédé à la facilité et évité la sanction du vote. En réalité, rien ne vous obligeait à recourir à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Le courage, le respect des institutions comme de vos engagements auraient dû conduire au vote. Nous voulions voter, même les groupes de la majorité le souhaitaient. Ce vote, vous l’auriez très probablement perdu ; mais c’est la règle en démocratie ! ». (Il était aussi très remonté contre le fond, comme pour les carrières longues : « Le report de l’âge légal de 62 à 64 ans cristallise en réalité toutes les injustices. Les 17,7 milliards d’euros d’économies attendues seront essentiellement supportés par les plus modestes, ceux qui auront à travailler plus sans voir leurs pensions progresser, ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui exercent souvent des emplois pénibles, précaires, ceux qui ont des carrières hachées, principalement les femmes. »).

Pour l'heure, Élisabeth Borne ne va certainement pas faire du triomphalisme car le résultat est d'autant plus inquiétant qu'elle ne pourra pas utiliser l'article 49 alinéa 3 pour tous les projets de loi du gouvernement (c'est limité à une fois par session hors lois de finances). Il faudra donc bien qu'il y ait une initiative politique de la part de l'exécutif pour retrouver une certaine sérénité dans les travaux parlementaires. Dans la soirée du 20 mars 2023, Élisabeth Borne a réuni les trois présidents des groupes de la majorité ainsi que Yaël Braun-Pivet.

Incontestablement, le Président Emmanuel Macron devra prendre une initiative, sans doute après la journée de manifestations du 23 mars 2023 et après l'avis du Conseil Constitutionnel. Cette initiative devra ramener un climat de sérénité, pacifier la situation alors que certains excités de la Nupes font n'importe quoi (dans l'hémicycle, ils se croient en assemblée générale dans un amphi de fac).

Pour cela, il devra innover, étonner, surprendre... comme il l'avait fait avec les grands débats à la suite de la crise des gilets jaunes. La piste peut être facilement trouvée : à l'évidence, une loi sur le travail devra être mise en préparation, et cela avec les syndicats. Ce sera l'occasion, pour eux, d'obtenir beaucoup là où ils n'ont rien eu pour les retraites. Ce sera sans doute à ce prix que la paix sociale sera retrouvée.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
295 députés refusent de censurer le gouvernement pour sa réforme des retraites.
La tactique politicienne du RN.
Les gens sérieux et les gens du cirque.
Séance à l'Assemblée Nationale du jeudi 16 mars 2023 à 15 heures (vidéo et texte intégral).

Jeudi, l'heure de vérité !
Sénat : mission remplie pour la réforme des retraites 2023.
Le choix du vote bloqué (article 44 alinéa 3 de la Constitution).
La retraire de Philippe Martinez.
Réforme des retraites 2023 : le Sénat évitera-t-il l'obstruction ?
Réforme des retraites 2023 : après les enfants terribles, les sages.
Discours de la Première Ministre Élisabeth Borne dans la nuit du 17 au 18 février 2023 à l'Assemblée Nationale (texte intégral).
Réforme des retraites 2023 : chemin de Croix à l'Assemblée.
Olivier Dussopt.
Aurore Bergé.
Assemblée Nationale : méthode de voyou !
Sauver nos retraites par répartition.
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230320-retraites.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/295-deputes-refusent-de-censurer-247436

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/03/18/39849390.html





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