Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
22 mars 2023

Emmanuel Macron : "J'assume ce moment !"

« On n'est pas concurrencé sur le sens des responsabilités ! » (Emmanuel Macron, le 22 mars 2023 sur TF1 et France 2).




_yartiMacron2023032204

Au surlendemain de l'adoption définitive de la réforme des retraites par le Parlement et à la veille d'une neuvième journée de mobilisation syndicale, le Président de la République Emmanuel Macron a répondu aux questions des journalistes Marie-Sophie Lacarrau et Julian Bugier ce mercredi 22 mars 2023 en direct des journaux de 13 heures sur TF1 et France 2. Cet exercice, qui reprenait donc les méthodes traditionnelles de communication présidentielle, a duré trente-cinq minutes.

Sans surprise, le Président n'a pas annoncé le retrait de la réforme des retraites et sans surprise, les opposants ont vivement réagi contre le Président, que ce soit Marine Le Pen (avec grandiloquence un peu ridicule) ou Jean-Luc Mélenchon, et leurs sbires. On imagine d'ailleurs mal comment cela aurait pu en être autrement : quoi qu'aurait pu dire Emmanuel Macron, il n'aurait jamais été question de l'approuver, de l'applaudir ou même seulement de l'encourager. Emmanuel Macron a en tout cas tendu la main aux syndicats mais ceux-ci ne semblent pas prêt à retravailler avec lui.

Comme annoncé la veille aux parlementaires de la majorité, il ne sera donc ni question de changer de gouvernement (Élisabeth Borne garde toute la confiance de l'Élysée), ni de dissoudre l'Assemblée Nationale ni encore de lancer un référendum sur la réforme des retraites. Il s'est expliqué sur la légitimité des élus par rapport aux manifestants dans la rue, rappelant qu'il avait évoqué ce concept à propos des parlementaires menacés et parfois vandalisés par des opposants délinquants.

Il s'est aussi expliqué sur sa petite phrase de 2019 où il rejetait l'hypothèse d'un recul de l'âge légal de départ à la retraite (du reste, dans la première version de sa réforme, en 2019-2020, il a été conçu un "âge pivot" qui aurait fait office de recul de l'âge légal). En effet, à l'époque, le COR avait laissé entendre qu'il y avait encore un équilibre financier pour les pensions, et surtout, il s'était engagé, pour son premier mandat, à ne faire que le système universel de retraite à points, sans toucher à l'âge du départ.

Or, entre 2019 et 2023, il s'est passé beaucoup de choses : la pandémie de covid-19, la guerre en Ukraine, l'inflation... et l'élection présidentielle. Pour les deux premières crises, les aides de l'État pour éviter l'effondrement économique des entreprises a créé de la dette et la situation budgétaire de l'État est donc aujourd'hui bien moins bonne qu'auparavant (en revanche, la situation économique, avec une baisse du chômage, est une vraie réussite de son premier quinquennat : « C'est le cœur de la bataille, cette société du plein emploi. Et on est en train de la réussir collectivement. On est passé de 9% de chômage à 7% aujourd'hui. »). De plus, le COR a revu les prévisions de manière plus négative en ce qui concerne l'équilibre financier à long terme des pensions.

C'est la raison pour laquelle pendant sa campagne de réélection en 2022, il avait porté cette réforme des retraites (en allant d'ailleurs au-delà de la loi votée ; le projet originel allait jusqu'à 65 ans). Il ne prend donc pas ses électeurs en traître, je précise, ses électeurs du premier tour (au second tour, le choix réduit à un duel lui a apporté d'autres électeurs qui n'ont pas choisi son programme). Je rappelle qu'au premier tour, le 10 avril 2022, il a atteint 28% des suffrages avec une participation tout à fait convenable (74%). Cette élection présidentielle lui a redonné une légitimité que seuls les ennemis réels de la démocratie refuse de reconnaître (il se situe là, le déni de démocratie).

_yartiMacron2023032202

Cela explique cette petite phrase de conclusion : « Mais je ne vis pas de regret. Moi, je vis de volonté, de ténacité, d'engagement, parce que j'aime notre pays, nos compatriotes. Et donc je suis à l'œuvre pour pouvoir faire ce qu'on doit faire. ». Après avoir rappelé cette évidence, son sens des responsabilités : « Moi je ne cherche pas à être réélu, je ne le peux pas constitutionnellement. Mais entre les sondages et le court terme, et l'intérêt général du pays, je choisis l'intérêt général du pays. Et s'il faut derrière endosser l'impopularité, je l'endosserai. ».

Il a ainsi justifié sa ténacité pour maintenir la réforme des retraites, adoptée après 175 heures de débats parlementaires, qui est le moyen de ne pas faire porter aux générations futures le coût des pensions d'aujourd'hui (que ce soit par la dette, etc.) : « Cette réforme, elle est nécessaire. Et je le dis aux Français, ça ne me fait pas plaisir. J'aurais voulu ne pas la faire. (…) Quand je suis rentré dans la vie active. Il y avait 10 millions de retraités, il y en a aujourd'hui 17 millions. Dans les années 2030, il y en aura 20 millions. ».

Quant aux propositions de l'opposition, il faudrait revenir sur terre : « On doit investir dans nos services publics, notre école, notre santé. On ne peut pas prendre cet argent pour le mettre sur les retraites. Alors la formule magique qui est implicitement le projet de toutes les oppositions et de tous ceux qui s'opposent à cette réforme, c'est le déficit. Le déficit, ça veut dire de fait que vous choisissez de faire payer vos enfants. ».

Alors, oui, Emmanuel Macron a fait la différence entre les légitimités, la sienne qui est celle d'avoir été réélu en 2022 avec une majorité élue, certes relative mais aucune autre majorité alternative n'est possible, cela a été démontré le 20 mars 2023 ; celle des syndicats, celle des manifestants qui défilent dans l'ordre et le respect... et l'illégitimité des casseurs, de ceux qui mettent le feu aux poubelles, qui vandalisent les mobiliers urbains, les permanences d'élus, qui font pression sur les élus : « Nous sommes une grande nation et un vieux peuple, qui se dote de responsables qui ont une légitimité politique. Président de la République, parlementaires : ils sont élus par lui. (...) Les syndicats ont une légitimité. Quand ils défilent, qu'ils manifestent, ils sont en opposition à cette réforme. Je les respecte. ».

Il a même fait une allusion à l'invasion du Capitole le 6 janvier 2021 à Washington et celle des palais nationaux au Brésil le 8 janvier 2023 par des insurgés. Il a promis d'être ferme contre les casseurs : « On ne peut accepter ni les factieux, ni les factions (…). On ne tolérera aucun débordement. ».

Ce qui ne plaît sans doute pas aux oppositions, c'est qu'Emmanuel Macron ne reste pas les bras croisés attendant, le dos rond, que la crise sociale s'estompe avec le processus législatif. Il a très bien compris le malaise social qu'a provoqué la réforme des retraites et ce malaise n'est pas simplement en rapport avec la retraite mais surtout en rapport avec le travail.

_yartiMacron2023032201

Ainsi, le Président de la République a tenu à montrer le cap après avoir analysé la situation actuelle. L'action de son gouvernement pour les mois et années à venir sera axée autour de trois grands enjeux.

Le premier enjeu est la réindustrialisation de la France à horizon 2030, avec l'objectif du plein emploi. Dans ce chapitre, il souhaite faire une grande loi sur le travail avec plusieurs points, en particulier traiter de la pénibilité du travail, des carrières (en particulier, de la fin de carrière, qu'on puisse avoir un autre emploi moins fatigant ou un emploi mieux rémunéré), etc. Emmanuel Macron a fait remarquer que si la France est le pays qui a le salaire minimum le plus élevé des pays européens, il est aussi celui qui a un salaire médian le plus proche du salaire minimum, il y a trop peu de progression des rémunérations dans les carrières. Il veut aussi réformer le revenu de solidarité active (RSA) pour encourager le retour à l'emploi.

Il n'a pas exclu non plus de faire contribuer les grandes entreprises qui ont obtenu des bénéfices élevés : « Je vais demander au gouvernement de pouvoir travailler à une contribution exceptionnelle pour que cet argent, quand il y a des profits exceptionnels, des entreprises qui sont prêtes à racheter leurs propres actions, leurs travailleurs puissent en profiter. ».

Le deuxième enjeu est l'ordre républicain avec trois sous-enjeux : renforcer la gendarmerie de 200 brigades supplémentaires pour avoir une meilleure présence ; recruter plus de juges et de greffiers pour que la justice se fasse plus rapidement ; faire voter la loi de programmation militaire afin de préparer la France à toutes les éventualités de conflit (on a vu avec l'Ukraine que le risque est réel).

Sauf erreur de ma part, je n'y ai pas entendu dans cet enjeu le projet de loi sur l'immigration dont il a accepté de retarder l'examen au Sénat de quelques mois pour mieux la faire mûrir (François Bayrou a déclaré avant l'intervention du chef de l'État : « Ce n'est pas le moment de mettre sur la table des textes qui sont inflammatoires. »). Sur l'immigration, Emmanuel Macron a juste indiqué qu'il faudrait réajuster le texte : « Maintenant, nous n'avons pas le droit pour notre pays à l'arrêt ou à l'immobilisme. ».

Le troisième et dernier enjeu est le progrès, mieux vivre, avec aussi trois sous-enjeux : l'école (et le collège), avec l'objectif de pouvoir remplacer immédiatement (du jour au lendemain) un enseignant absent ; la santé, avec l'objectif d'attribuer un médecin traitant aux 600 000 personnes qui sont soit âgées soit atteintes d'une affection de longue durée, habitant dans un désert médical ; enfin, l'écologie, en particulier un plan pour l'eau, dans les forêt, dans l'océan, dans les transports, avec une méthode, une réflexion de fond du CNR et des engagements territoriaux, donner des réponses concrètes aux élus locaux.

Pour ce programme, Emmanuel Macron a demandé à Élisabeth Borne d'élaborer un calendrier législatif et d'élargir si possible sa majorité, même si cela reste un vain mot puisque aucune des oppositions ne semblent prêtes à cohabiter avec la majorité présidentielle (d'autant plus que la plupart des députés LR ont été élus souvent contre un candidat macroniste) : « Dans ce contexte-là, le mandat que je lui ai donné, c'est de continuer à élargir cette majorité autant qu'elle le pourra avec les femmes et les hommes de bonne volonté qui, de droite et de gauche, ou du côté de l'écologie, sont prêts à s'engager sur les priorités que j'ai fixées. ».

Le président de LR Éric Ciotti n'a en tout cas aucune intention d'aider le Président de la République pour formaliser clairement un contrat de gouvernement entre Emmanuel Macron et LR. La chance du Président de la République, c'est d'avoir réformé les retraites en début de quinquennat. Il risque néanmoins de devenir législativement impuissant pour la suite.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (22 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron : "J'assume ce moment !"
Interview du Président Emmanuel Macron le 22 mars 2023 à 13 heures sur TF1 et France 2 (vidéo).
295 députés refusent de censurer le gouvernement pour sa réforme des retraites.
La tactique politicienne du RN.
Les gens sérieux et les gens du cirque.
Séance à l'Assemblée Nationale du jeudi 16 mars 2023 à 15 heures (vidéo et texte intégral).

Jeudi, l'heure de vérité !
Sénat : mission remplie pour la réforme des retraites 2023.
Le choix du vote bloqué (article 44 alinéa 3 de la Constitution).
La retraire de Philippe Martinez.
Réforme des retraites 2023 : le Sénat évitera-t-il l'obstruction ?
Réforme des retraites 2023 : après les enfants terribles, les sages.
Discours de la Première Ministre Élisabeth Borne dans la nuit du 17 au 18 février 2023 à l'Assemblée Nationale (texte intégral).
Réforme des retraites 2023 : chemin de Croix à l'Assemblée.
Olivier Dussopt.
Aurore Bergé.
Assemblée Nationale : méthode de voyou !
Sauver nos retraites par répartition.
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020

_yartiMacron2023032203




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230322-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-j-assume-ce-moment-247475

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/03/21/39852862.html






Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
Publicité
Archives
Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
Merci de m'avoir lu.

L'intégralité de mes articles (depuis février 2007) se trouve sur le site http://www.rakotoarison.eu
Canalblog n'héberge que mes articles depuis mars 2015.
© Copyright 2007-2019 : Copie strictement interdite sans autorisation écrite préalable.

Publicité