La France Unie soutient l'Ukraine !

« Pendant quatre heures, entre les murs du cloître, est évoquée la situation internationale. Emmanuel Macron, rompu à l’exercice, parle longuement de l’Afrique, de l’Ukraine, du Maghreb, de l’Europe, du bassin méditerranéen, de la relation avec l’Allemagne, puis propose un tour de table. » (rédaction du journal "Le Monde", le 31 août 2023).






Ce mercredi 30 août 2023 à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur, dans les locaux de l'ancienne abbaye de Saint-Denis, nuit d'une pleine lune très particulière, un exercice politique inhabituel, inédit et même très original a eu lieu : le Président de la République Emmanuel Macron a invité les chefs des partis de l'ensemble de la classe politique française pour une sorte de grand brainstorming (désolé pour l'english), à partir de 15 heures. Il aurait duré plus de douze heures ! Les smartphones étaient déposés à l'entrée de la salle de réunion (comme les armes au saloon !), les conseillers étaient interdits d'accompagnement (même le Secrétaire Général de l'Élysée était persona non grata), et la parole était libre (et sans limitation de durée).

La réunion de Saint-Denis qui faisait participer en particulier Jordan Bardella, président du RN, et Manuel Bompard, coordinateur de FI, l'un député européen et l'autre député national, a été l'occasion d'un grand débat à l'échelle de la classe politique. Un débat sans intermédiaire, sans journaliste, sans conseiller technocrate, sans petite phrase à retweeter. Bref, un débat spontané, franc, et j'allais dire "viril" mais les ligues féministes pourraient me le reprocher et la présence de femmes invaliderait l'adjectif (Élisabeth Borne était en effet présente, ainsi que la secrétaire nationale de EELV ; on peut simplement remarquer que les femmes étaient ultraminoritaires à cette réunion).

Je reviendrai certainement sur l'aspect politique de cette rencontre innovante aussi déconcertante qu'intéressante, mais je voudrais ici en évoquer une facette essentielle et très positive : la France Unie. C'est avec ce slogan que François Mitterrand est parti en campagne pour son second septennat en 1988, il n'avait rien à proposer sinon être là, montrer qu'il présidait et surtout, empêcher les autres (ses adversaires politiques en l'occurrence) de présider la France. Et le meilleur moyen d'obtenir l'adhésion du peuple, c'est toujours de préempter son unité. En ce sens, Emmanuel Macron, plus fin connaisseur de l'histoire politique qu'on n'a l'habitude de dire, a réalisé un petit exploit ce mercredi-là, à propos de la politique extérieure de la France et du soutien indéfectible au peuple ukrainien.

C'est en tout cas ce qui est apparu à l'issue de ces discussions informelles. L'Élysée a en effet fait état d'un « soutien unanime de la classe politique à cette politique », comprendre au soutien de la France à l'Ukraine dans sa résistance à l'agression armée de Vladimir Poutine. Ce consensus presque étonnant, tant les positions du RN et de FI étaient particulièrement compliquées, floues, à défaut d'être franchement poutiniennes, a fait un jeu gagnant gagnant.

Le Président de la République pouvait ainsi réaffirmer avec force que sa politique à l'égard de l'Ukraine recevait un quitus de l'ensemble de la classe politique, et notamment de ses plus féroces détracteurs, les lepenistes et les mélenchonistes. Un constat qui lui était nécessaire pour reforger son autorité diplomatique après la sortie assez ambiguë de son prédécesseur Nicolas Sarkozy sur l'Ukraine (j'y reviendrai peut-être).

D'un autre côté, que ce soit pour le RN ou pour FI, cela a permis d'évacuer toutes les ambiguïtés à ce sujet, et c'est donc très positif. Selon "Le Monde", le mélenchoniste Manuel Bompard a déclaré que le chef de l'État « a pris acte qu’il n’y avait pas de pro-russe autour de la table, qu’aucune formation n’approuvait l’intervention russe en Ukraine », l'air de dire qu'il n'y avait aucune collusion poutinienne avec Jean-Luc Mélenchon.

Ce consensus des partis politiques français trouvé sur l'Ukraine est un élément politique structurant, qui va structurer la vie politique françaises des prochaines années et sans doute la prochaine élection présidentielle. Le RN et FI ont ainsi obtenu un certificat de "bonne pensée" tandis qu'Emmanuel Macron a confirmé sa grande habileté politique tant sur le plan national qu'international, à être au-dessus des partis et à les superviser.

En réduisant tous les faux partisans d'une paix qui ne serait qu'une paix russe et donc vrais partisans de la disparition pure et simple de l'Ukraine, à de simples voix dissonantes ne représentant rien dans l'échiquier politique français que quelques trolls amassés sur Internet, il aide le peuple ukrainien à résister à l'envahisseur : lorsqu'une nation est agressée et attaquée dans son existence propre, il faut la soutenir, surtout face à des visées expansionnistes qui en ressemblent amèrement à d'autres dans le passé. C'est ce qu'ont réaffirmé, entre autres, les onze chefs de parti réunis en conclave à Saint-Denis et c'est une bonne chose. Bien sûr, bien d'autres sujets ont été abordés, mais là, ce n'est plus une histoire de consensus...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 août 2023)
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