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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
21 décembre 2023

Loi Immigration : le service après-vente d'Emmanuel Macron

« On a compris mercredi que pour se refaire une santé, le Président mise davantage sur l’opinion que sur les parlementaires, sur les électeurs plutôt que sur les bonnes âmes de la gauche. » (Renaud Dély, France Info le 21 décembre 2023).




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L'adoption définitive du projet de loi Immigration dans la soirée du 19 décembre 2023 a agité la classe politique. Cette agitation sera de courte durée. Alors qu'on parlait de six ministres démissionnaires, seul Aurélien Rousseau, furtif Ministre de la Santé et de la Prévention, haut fonctionnaire et non élu, a claqué la porte, pourtant proche de l'Élysée. Le Président de la République Emmanuel Macron est venu faire le service après-vente, ou plutôt, car il ne s'est pas déplacé, a reçu l'équipe de "C à vous" pour une émission en direct de la salle des fêtes de l'Élysée ce mercredi 20 décembre 2023, veille de son 46e anniversaire. 2,9 millions de Français l'ont écouté, soit 14,7% de part d'audience selon Médiamétrie, un record pour "C à vous".

Interrogé notamment par Patrick Cohen et Anne-Élisabeth Lemoine, Emmanuel Macron a parlé beaucoup trop longtemps de beaucoup trop de choses. Près de deux heures et quart d'une émission qui a fini par de l'humour ricaneur sans aucun intérêt pour l'avenir des Français (par exemple, l'émission envisageait la reconversion d'Emmanuel Macron après 2027 en animateur de plateau de télévision). Il y a un contraste entre le cadre (le Palais de l'Élysée) et l'atmosphère décontractée de l'émission.

Bien entendu, Emmanuel Macron est revenu sur la loi Immigration en rappelant que la France avait besoin de ce bouclier et en rappelant ses trois maîtres mots de Président : « libérer, protéger, unir » et en ajoutant : « Je n'ai pas fini le travail. », parce qu'il a encore trois ans et demi de mandat.

Il a rejeté l'idée que la loi Immigration serait un texte du RN (il a parlé d'une « manœuvre de garçon de bain » !), alors qu'il n'a été négocié qu'entre la majorité et LR, en profitant pour affirmer que les Français ont élu une majorité relative et qu'il était nécessaire de faire des compromis pour faire adopter ce projet de loi. De même, il a rejeté l'idée que la préférence nationale est intégrée dans ce texte, il n'y a que des changements des conditions d'attribution d'allocations sociales, pas un refus pour les étrangers et cela s'appliquera d'ailleurs aussi à des nationaux qui reviendraient sur le territoire national.

Toutefois, Emmanuel Macron, tout en assumant la loi Immigration, a pointé quelques mesures regrettables de ce compromis imparfait, comme la caution exigée pour les étudiants étrangers (ce qui va faire très mal), comprenant ainsi la colère des présidents d'université qui ont protesté contre cette disposition. D'ailleurs, il a lui-même saisi le Conseil Constitutionnel (comme la Constitution lui en donne le droit) pour, le cas échéant, faire invalider certaines des mesures qui ne correspondraient pas aux principes constitutionnels. C'est notable d'imaginer le Président de la République espérer la censure de certains articles d'un projet de loi dont il est à l'origine. On se rappelle le Président Jacques Chirac qui, après une forte contestation dans la rue, dès l'adoption définitive de la loi sur le CPE (contrat premier emploi), avait annoncé le 31 mars 2006 sa promulgation mais sa suspension immédiate avant une modification.

Le message présidentiel aurait été plus percutant si son interview avait duré une vingtaine de minutes uniquement sur la loi Immigration. Au lieu de cela, il y a eu une multitude de réflexions, remarques, plus ou moins importantes sur l'actualité.

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Parmi ses projets, une loi sur la fin de vie. Il a reconnu que le sujet était plus compliqué que prévu et il ne veut surtout pas aller trop vite, tout en confirmant que le projet serait présenté en février 2024. Deux piliers, le premier sur les soins palliatifs qu'il s'agit de renforcer et dont l'absence ne doit pas être une raison d'euthanasie, et le second sur l'euthanasie qui ne devrait pas s'appliquer ni aux mineurs ni aux déficients mentaux, en souhaitant un "modèle à la française". Il a rappelé les précédentes lois dont la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui a beaucoup fait avancer les choses. Nous verrons le texte, mais je récuse personnellement l'idée que la précédente loi a fait une "avancée" car il ne s'agit pas de progression jusqu'à l'euthanasie. Justement, le "modèle à la français", c'est la loi Claeys-Leonetti ! Au lieu de vouloir légiférer (sur les soins palliatifs, il n'y a pas besoin de légiférer, il suffit de mettre plus d'argent consacré aux soins palliatifs, c'est un problème budgétaire, pas législatif), il faudrait déjà d'une part, appliquer la loi Claeys-Leonetti, d'autre part, faire un bilan de cette loi, par exemple au bout de dix ans. Il n'y a jamais d'évaluation des lois, on légifère sans cesse et on n'évalue pas les lois précédentes (c'est le cas aussi pour les lois sur l'immigration).

Emmanuel Macron a aussi beaucoup parlé d'éducation en rendant hommage à Gabriel Attal, et de laïcité en rejetant les critiques à propos de l'allumage d'une bougie à l'Élysée, qui n'était pas prévu (Fallait-il que je plaque le grand-rabbin parce qu'il le faisait ?). Il a également évoqué la polémique avec Gérard Depardieu en prenant à rebrousse-poils le politiquement correct : le Président de la République a confié qu'il admirait beaucoup Gérard Depardieu (c'est une "fierté" de la France) et a repoussé toute initiative de sa part pour lui retirer la Légion d'honneur (désapprouvant la Ministre de la Culture Rima Abdul-Malak), d'autant plus qu'il n'y a pas à vouloir juger le comportement ultérieurs des médaillés. Il s'est fixé simplement la loi et la justice, et il a refusé d'être soumis à des tribunaux médiatiques et a dénoncé la "chasse à l'homme".

Sur le plan international, Emmanuel Macron a insisté sur l'Ukraine, qu'il ne fallait pas que la Russie gagnât la guerre en Ukraine, il en est non seulement de nos valeurs (entre autres, les conflits doivent se résoudre sans violence), mais aussi de la protection de l'Europe. Il a confirmé que l'aide à l'Ukraine devrait se poursuivre même si les États-Unis l'arrêtaient et a salué le gouvernement Biden d'avoir suivi les Européens. Il a considéré que l'année 2024 serait cruciale pour commencer les négociations entre l'Ukraine et la Russie. Sur le conflit entre Israël et le Hamas, Emmanuel Macron a affirmé que la France est parmi les pays qui font le plus pour aider les victimes palestiniennes.

2024 sera aussi l'année des jeux olympiques en France. Emmanuel Macron a rejeté les hypothèses pessimistes où la sécurité aurait dû mal à être assurée, notamment lors de la cérémonie d'ouverture le 26 juillet 2024. Un plan B serait toutefois prévu si la cérémonie sur la Seine ne pouvait pas se faire dans de bonnes conditions.

Sur un plan plus philosophique, Emmanuel Macron a disserté aussi sur la "décivilisation", mot qu'il a utilisé pour évoquer la violence dans les rapports humains, confortés par les réseaux sociaux où l'anonymat permet tout. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord qu'il ne faut pas être courtois, poli et pacifique. Quand la violence investit les débats et la rue, il y a un danger pour le vivre-ensemble et pour la démocratie.

Cette émission, qui n'a pas les audiences des journaux télévisés de TF1 ou France 2 à la même heure, avait pour but de déminer le terrain présidentiel avant les vœux pour la nouvelle année. Emmanuel Macron pourra être content de son année 2023, puisqu'il a déjà réussi à ne pas être un Président immobiliste pour son second mandat, avec l'adoption de la réforme des retraites et celle de la loi Immigration. Sauf nouvelle crise, les années qui s'ouvrent seront un peu plus douces et un peu moins problématiques pour lui dans ses relations avec les Français.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 décembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Loi Immigration : le service après-vente d'Emmanuel Macron.
Commission mixte paritaire et adoption de la loi Immigration.
Article 49 alinéa 3 et projet de loi Immigration.
Motion de rejet préalable et projet de loi Immigration.
Loi Immigration : le risque du couperet...
Des bleus à l'A.M.E. (aide médicale d'État) : entre posture et protection.
L'affaire Leonarda, dix ans plus tard...
La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
Aymen Latrous Aymen Latrous n’est pas Leonarda !
Mamoudou Gassama, un héros en France.
Leonarda sous le feu des projecteurs.
L’immigration irlandaise.
Immigration : l'occasion ratée de François Hollande.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231220-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/loi-immigration-le-service-apres-252133

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/12/20/40150150.html







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