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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
6 octobre 2020

Covid-19 : Donald Trump, marathonman

« Will back on the Campaign Trail soon !!! The Fake News only shows the Fake Polls. » (Donald Trump, sur Twitter le 6 octobre 2020 à 00h23, heure de Paris) ["Serai bientôt de retour sur le terrain pour ma campagne !!! Les fausses nouvelles ne montrent que les faux sondages"].



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L’annonce de la contamination au covid-19 du Président américain Donald Trump le 2 octobre 2020 a fait l’effet d’une bombe, et cela pour plusieurs raisons. La première, c’est que Donald Trump est à la tête de l’exécutif d’un grand pays et que cette fonction, dans un monde sans arrêt mouvant et troublant, à l’actualité accélérée, nécessite une forme sportive de gouvernance. La possibilité d’une vacance institutionnelle était donc dans tous les esprits, du moins temporaire puisqu’une personne contaminée doit s’isoler en quatorzaine.

La deuxième raison, c’est que les États-Unis sont en pleine campagne présidentielle, et le fait que le coronavirus s’invite en campagne est inédit, du reste, c’était aussi le cas pour les élections municipales en France et cela avait entraîné une abstention massive, assez rare pour ce type de scrutin. Au-delà des interprétations, supputations, jugements de valeur, l’absence même du candidat Trump impacte nécessairement sur le déroulement de la campagne électorale ; son adversaire Joe Biden a dû supprimer toutes les attaques personnelles contre Donald Trump et lui a souhaité un prompt rétablissement pour pouvoir rester dans les convenances humaines les plus élémentaires.

La troisième raison, c’est aussi que Donald Trump, à 74 ans, avec non seulement un surpoids mais aussi des problèmes de santé qui n’ont jamais été très clairs (la santé de Donald Trump avant et pendant son mandat est restée toujours un sujet très opaque, au contraire de l’habituelle transparence américaine ; les États-Unis ne sont pourtant pas la France de Georges Pompidou ni de François Mitterrand), fait partie de ces "personnes vulnérables" qui pourraient développer une forme sévère de la maladie.

Les plus mauvaises langues (certaines issues du Parti démocrate) pourraient d’ailleurs dire que Donald Trump a eu ce qu’il méritait. C’est vrai que la légèreté à laquelle il a abordé ce problème mondial avait de quoi se taper la tête contre un mur. En sous-estimant la gravité du coronavirus, puis, en refusant dans un premier temps les gestes barrières (pas de poignée de main, port du masque), Donald Trump a politisé la gestion de l’épidémie aux États-Unis avec, en gros, le port du masque synonyme de l’appartenance à la tendance démocrate, l’absence du masque à la tendance républicaine. Pendant un certain temps.

Le pire a été probablement quand Donald Trump a imaginé de traiter la maladie en s’injectant de l’eau de javel dans les poumons. Au contraire de son rattrapage sur les pieds en disant qu’il plaisantait ("bien sûr"), Donald Trump n’avait simplement fait que réfléchir tout haut, montrant son ignorance scientifique et même son ignorance tout court (pas besoin d’être chimiste ni médecin pour imaginer ce que fait de l’eau de javel dans les poumons, ne serait-ce que des vapeurs, les "ménagères" l’imaginent très bien).

C’est sa spontanéité qui avait encore une fois parlé. Et si, dans ce cas, elle est dangereuse, car il est quand même le Président des États-Unis et à ce titre, des esprits faibles pourraient le prendre au mot et s’envoyer en l’air les poumons avec de l’eau de javel (un couple d’Américains s’était déjà massacré avec du nettoyant d’aquarium à base de chloroquine), cette spontanéité, écris-je, est probablement ce qui en fait un homme attachant, faillible, plein de vie, sans calculs alambiqués, brut de décoffrage, bref, un vrai représentant d’un Américain moyen (ou d’un citoyen moyen, ce n’est pas spécifiquement américain, évidemment, mais ce sont les Américains qui votent, ou pas, pour lui).

C’est aussi une raison supplémentaire de s’inquiéter, comme on pouvait s’inquiéter qu’il puisse déclencher une guerre contre la Corée du Nord, et paradoxalement, il est le premier (et l’unique) Président des États-Unis à avoir rencontré physiquement le Président nord-coréen, Baby Kim. À ce titre, il pourrait même recevoir le Prix Nobel de la Paix cette semaine. La seule chose qu’on sait aujourd’hui, c’est que le professeur Didier Raoult ne recevra pas le Prix Nobel de Médecine cette année, parce qu’il est déjà attribué ce lundi 5 octobre 2020 !

En cassant voire dépassant tous les codes habituels, de la politique, de la diplomatie, de l’économie, du commerce international, la politique de Donald Trump est mondialement anxiogène, et pourtant, le pire n’est jamais certain et la démonstration est que la méthodologie inquiétante n’entraîne pas forcément des actions catastrophiques. C’est une sorte de politique du bluff menée au sommet, le bluff étant ici à la fois sincère et argumentaire. Mais à force de trop jouer au bord de la falaise, on peut chuter.

C’était mal comprendre l’Amérique que d’avoir refusé d’imaginer son élection en 2016. C’était le cas des démocrates eux-mêmes qui, empêtrés dans leur seule défense des minorités, en ont été à oublier la majorité du peuple américain. Or, à mon sens, Donald Trump n’a pas hystérisé le peuple américain, il n’est qu’un symptôme éloquent d’un peuple déjà hystérisé.

Hystérisé par quoi ? Probablement par le nouveau mode de vie et d’information, celui des réseaux sociaux, des sites de désinformation, des messages beaucoup trop courts pour faire de la pédagogie dans un monde complexe, bref, dans un mode d’information à l’emporte-pièce où la rigueur et la véracité n’ont plus leur place, et Donald Trump avait excellé pendant les élections de 2016, tant primaires républicaines que générales, en ayant été l’un des candidats ayant le moins dépensé d’argent pour son élection puisque son principal outil de campagne était …Twitter !

Alors, ceux qui disent aujourd’hui que Donald Trump ne peut pas être réélu sont les mêmes qui disaient qu’il ne pouvait pas être élu en 2016. Ce qui est remarquable, c’est que Donald Trump a un soutien inconditionnel d’une partie pas négligeable de la population, un noyau dur très élevé, peut-être 30% ou 35% de l’électorat, qui lui est acquis quoi qu’il en soit, quelles que soient les nombreuses informations qui, pour dix mille fois moins graves, ont cassé la lente ascension de François Fillon en France. La dernière en date, le fait que Donald Trump n’aurait payé que 750 dollars d’impôts en 2016 ! Au-delà de la magouille fiscale (les Américains sont très rigoristes et légalistes), cela montre aussi qu’il n’a pas si bien mené ses entreprises (beaucoup de ses projets ont fait faillite, dans le passé) et qu’il est loin de la "réussite américaine". Cela, ajouté aux accusations récurrentes de harcèlement, de machisme, etc. Et pourtant, il a toujours ce matelas très épais d’inconditionnels.

Ce qu’on voyait en 2016, c’était que ceux qui avaient voté pour Donald Trump n’avait pas été plus nombreux que les adversaires républicains de Barack Obama des précédentes élections, mais l’électorat démocrate ne s’était pas mobilisé pour Hillary Clinton. Va-t-il se mobiliser pour Joe Biden, le sénateur et ancien Vice-Président connu pour ses gaffes et boulettes ? Pas sûr : à 78 ans, il a surtout montré une certaine trouille avec le coronavirus. Il n’a même pas osé se déplacer en juin dernier lors de la mort de George Floyd et des manifestations en sa mémoire, alors que c’était une occasion en or pour lui de redémarrer une campagne un peu poussive.

Qui voterait pour un vieillard incapable de se déplacer à l’intérieur même de son territoire quand il faut maintenant élire un marathonien en pleine forme pour s’occuper de toutes les affaires du monde ? Le "risque" d’une faible mobilisation des électeurs démocrates est donc toujours présent, d’autant plus que le Parti démocrate n’a plus personne à proposer de réellement opérationnel (seulement des vieillards gauchistes à l’exception de Joe Biden qui a eu l’investiture par cette seule circonstance, par défaut).

Certes, dans les sondages d’intentions de vote, Joe Biden aurait entre 10 et 15 points d’avance sur Donald Trump, mais des sondages nationaux n’apportent aucune prévisibilité sur l’issue du scrutin puisque ce dernier est à deux niveaux et qu’il faut surtout conquérir les États "litigieux" (ceux à l’issue incertaine), et Donald Trump avait d’ailleurs recueilli moins de voix, au total, sur tout le pays, que sa concurrente Hillary Clinton.

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Donald Trump étonne car lui aussi est vieillard et à la fin de son éventuel second mandat, il aura aussi 78 ans (mais Joe Biden, il aura 82 ans !). Le fait d’avoir eu le covid-19 pourrait même le servir électoralement. Ceux qui imaginent que "c’était bien fait", en raison du manque de précaution de son propre comportement, en seraient pour leurs frais car il peut dire aussi qu’il a connu ce que des millions d’Américains ont connu, une maladie dont on ne peut vraiment comprendre la gravité qu’en la voyant de très près : « J’ai beaucoup appris sur le covid-19 ! ». Voilà l’empathie dont Barack Obama avait récemment souligné l’absence.

Hospitalisé du 3 au 5 octobre 2020, Donald Trump a reçu des doses particulièrement fortes d’un antiviral américain très connu (remdesivir) et d’un produit à base d’anticorps de synthèse (de Regeneron) non encore commercialisé (à ce titre, Donald Trump a été dans l’expérimentation), ces deux traitements (très coûteux) pour éviter la duplication du virus, plus (entre autres) un corticoïde (dexaméthasone) pour réduire les effets sur les poumons, du zinc aussi. Et l’hydroxychloroquine ? Complètement laissée de côté, puisqu’elle n’a aucun effet ! C’est assez clair qu’un "Américain moyen" atteint du covid-19 n’aurait jamais pour obtenir si rapidement et si massivement le traitement de Donald Trump, mais cela ne devrait pas choquer, il est quand même le Président des États-Unis et les problèmes de sécurité doivent l’emporter sur une impossible égalité devant les soins.

Les familles des plus de 200 000 victimes du covid-19 aux États-Unis pourraient aussi en vouloir à Donald Trump sur la très mauvaise gestion de l’épidémie. Et pourtant, il faut se rappeler que Donald Trump n’a occupé que le ministère de la parole à ce sujet, une mauvaise parole, qui pouvait être mal interprétée, mais seulement une parole, pas des actes qui sont du ressort des États (on a un peu de mal à le comprendre en France très centralisée, les États-Unis sont un pays fédéral). En revanche, Donald Trump a déjà rendu hommage à ces victimes très officiellement, ce qui, à ma connaissance, n’a pas encore été le cas en France. Nos victimes françaises, à mon sens, le mériteraient autant que les victimes américaines et que les victimes de tous les autres pays, bien entendu.

Boris Johnson, plus réfléchi que Donald Trump, a lui aussi été contaminé au covid-19 et a été lui aussi hospitalisé. En s’en sortant, il a reçu une forte sympathie, très naturelle, de la part de ses compatriotes britanniques. Peut-être sera-ce le cas pour Donald Trump s’il sort de l’enfer ? Enfin, il faut rester prudent, c’est au bout de huit à dix jours qu’on sait, en principe, si on développe ou pas la forme sévère de la maladie. Jusque-là, tout reste possible. Donald Trump, tout paradant avec son masque dans sa voiture blindée (encore une nouvelle imprudence alors qu’il est en quatorzaine), n’est pas encore tiré d’affaire.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
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Maureen O'Hara.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.
Le dernier vol des navettes spatiales.
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Le krach de 1929, de sinistre mémoire…
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Le Sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
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Noël 2018 à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.
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Bob Kennedy.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201006-trump.html

https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/covid-19-donald-trump-marathonman-227600

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/10/05/38571886.html






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