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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
28 septembre 2021

Covid-19 : est-il pertinent de faire payer les tests de dépistage ?

« Cet automne, les fameux tests PCR seront rendus payants, sauf prescription médicale, et ceci afin d’encourager la vaccination plutôt que la multiplication des tests. » (Emmanuel Macron, allocution télévisée du 12 juillet 2021).




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Cela vient d'être confirmé par le Premier Ministre Jean Castex le 26 septembre 2021 dans "Les Échos". À partir du 15 octobre 2021, les tests de dépistage du coronavirus SARS-CoV-2 seront payants en France. Pas tous. Annoncé au début de l’été par le Président de la République Emmanuel Macron en même temps que l’extension du passe sanitaire au cours de son allocution télévisée du 12 juillet 2021, cette mesure avait été recommandée par l’Académie nationale de Médecine le 23 juin 2021 : « Parmi les facteurs qui peuvent détourner les individus de la vaccination, il faut s’interroger sur le recours répété aux tests RT-PCR ou antigéniques qui sont offerts gratuitement sur le sol français à la différence de la plupart des pays européens. ». Au moins, l’objectif affiché est clair : inciter à se faire vacciner. Mais est-ce si pertinent que cela ? À mon humble avis, je ne le pense pas.

Depuis le 7 juillet 2021, les tests de dépistage sont payants pour les touristes étrangers séjournant en France, au tarif (subventionné) de 49,00 euros pour un test PCR et de 25,00 euros pour un test antigénique. Rappelons rapidement ce que sont ces deux tests qui sont des tests virologiques, à ne pas confondre avec les tests sérologiques. Les tests virologiques détectent la présence éventuelle du virus SARS-CoV-2 et donc, la possibilité qu’une personne soit infectée et contaminante, tandis que les tests sérologiques détectent dans le sang la présence éventuelle d’anticorps qui atteste que la personne a été infectée dans le passé, mais sans indication sur sa situation présente.

On parle donc ici uniquement des tests virologiques qui analysent le résultat d’un prélèvement par coton-tige (écouvillon) placé dans les narines. Les tests PCR détectent le matériel génétique (ARN) du virus et nécessitent du temps et donc aussi de l’argent pour le faire (résultat au bout d’un ou deux jours selon l’affluence). Ils sont très précis et permettent la détection du virus à faible concentration. Les tests antigéniques ne détectent que la protéine autour du virus ; ils donnent des indications moins précises car ils ne détectent que les fortes concentrations (il peut donc y avoir des faux négatifs). En revanche, leur intérêt est que les résultats sont rapides (quelques minutes) et sont utiles pour dépister des personnes qui seront de toute façon rassemblées (comme en prison, à l’école, dans un avion, etc.).

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La détection du virus ne se fait que dans une partie de la chronologie de la maladie. Ainsi, on peut ne plus détecter de virus et continuer à avoir un covid long, par exemple. On considère depuis janvier 2021 avec le variant alpha, puis delta, qu’au bout de dix jours après le début de la contamination, une personne infectée n’est plus en mesure de contaminer une autre. Cette idée est une courbe de Gauss, chacun réagissant différemment, mais la probabilité de contaminer après dix jours d’infection est très faible, ce qui suffit à adopter cette règle sanitaire générale assez simple (dix jours), d’autant plus que la fin de l’isolement de la personne infectée est associé à un nouveau test (dont le résultat doit être négatif pour mettre fin à l’isolement).

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Tester la population est un élément majeur de lutte contre la pandémie de covid-19. C’est la première étape pour identifier l’origine du virus, puis tracer les cas contacts et isoler les personnes infectées pour rompre les chaînes de contamination.

Si la première vague a autant surpris par son ampleur, c’est parce qu’on n’avait pas compris qu’une personne infectée, et donc contaminante, pouvait être asymptomatique, c’est-à-dire que rien dans son corps ne laissait prévoir que la personne était infectée. Cela a entraîné de nombreuses contaminations par ignorance.

En fait, on le savait déjà au début du mois de février 2020, mais cette idée est tellement déconcertante qu’elle continue encore à déconcerter plus de dix-huit mois plus tard. Je me souviens qu’en février 2020, certains refusaient de ne plus serrer les mains ou ne de plus faire la bise de bonjour à leurs collègues, sous prétexte qu’ils n’avaient "pas peur" du covid-19, alors que l’enjeu, c’était qu’eux-mêmes, qui se croyaient "sains", ne contaminent pas leurs collègues ou leurs proches.

Toujours est-il que la politique de tests, comme pour les masques, comme pour la vaccination, a mis un peu de temps à se mettre en place et l’on peut toujours critiquer les ratés du démarrage. La "vitesse de croisière" pour les tests en France a été prise après l’été 2020, et principalement à partir de la deuxième vague.

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Au 28 août 2021, 121 518 857 tests ont été réalisés en France depuis le début de la pandémie, ce qui est énorme (au 27 septembre 2021, 139 307 228 tests ont été réalisés en France). Le Royaume-Uni bat la France de très loin (266 714 771 tests au 28 août 2021, 300 199 136 tests au 27 septembre 2021) mais les Français peuvent être fiers de la capacité de la France à tester : nous en sommes à 2,13 tests par habitant, soit beaucoup plus qu’aux États-Unis (1,90 par habitant). L’Allemagne est très loin derrière la France (0,84 par habitant). C’est facile pour les petits pays (à faible population) d’être à un taux supérieur à 1 test par habitant, beaucoup moins facile quand le pays compte plus de 50 voire plus de 100 millions d’habitants.

Fin août 2021, jamais on n'a autant testé en France, et c’est normal car lorsqu’on n’a pas fini son parcours vaccinal, on doit se tester avec un test négatif de moins de 72 heures (c’était initialement de moins de 48 heures) pour obtenir un passe sanitaire valable. Pour la dernière semaine d’août 2021, le nombre de tests réalisés a été en moyenne de 725 000 chaque jour ! Soit beaucoup plus du double de la mi-juillet 2021 et le triple de la dernière semaine de juin 2021. L’explication est l’extension du passe sanitaire, ce qui a pu expliquer aussi, pendant l’été, une baisse du taux de positivité des tests (observée également avant Noël 2020). Au 27 septembre 2021, il y a encore en moyenne chaque jour environ 500 000 tests. 

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Le dépistage au Royaume-Uni est doublement une performance car les tests ont évidemment un coût. Jusqu’à maintenant, la France proposait des tests à toute la population de manière gratuite. Bien sûr, il n’y a jamais rien de gratuit et c’est la Sécurité sociale qui paie, c’est-à-dire l’ensemble des Français d’une manière ou d’une autre, par leurs impôts et leurs cotisations, et aussi par la dette qui est juste un impôt différé aux générations à venir. La DREES a indiqué qu’entre le 1er mars 2020 et le 4 juillet 2021, près de 4,4 milliards d’euros ont déjà été dépensés pour financer la stratégie de dépistage du covid-19 (100,2 millions de tests). Notons d’ailleurs qu’une dose de vaccin coûte bien moins cher (à la collectivité) qu’un test de dépistage, même antigénique.

En Allemagne, la Chancelière Angela Merkel a également rompu le principe de gratuité et le test coûtera 120 euros aux patients allemands, c’est aussi le prix pour les patients espagnols. Au Royaume-Uni, le test a toujours été payant et coûte très cher, 350 euros (ces prix sont pour des personnes asymptomatiques).

La formulation même de la question montre que les Français ont beaucoup de chance avec leur modèle social qui est privilégié : l’État a mis à leur disposition gratuitement tous les outils pour lutter contre la pandémie, tant les tests que les vaccins. Ce n’est pas le cas dans tous les pays, c’est même très rare ailleurs qu’en France.

Paradoxalement, alors qu’elle préconise de rendre payants les tests de dépistage, l’Académie nationale de Médecine rappelle une évidence : « La gratuité de ces tests joue un rôle essentiel dans l’efficacité de la démarche diagnostique et dans la recherche des cas contacts. ».

Remarque paradoxale lorsqu’on est en pleine vague épidémique, ce qui n’était pas le cas le 23 juin 2021 où nous étions au creux des deux vagues, car l’Académie justifie ensuite sa préconisation de la fin de la gratuité par ceci : « Avec la diminution régulière du taux national d’incidence de la covid-19 depuis le mois d’avril, la pratique des tests à visée diagnostique tend cependant à décroître, pendant que la pratique des tests de dépistage pour l’obtention d’un passe sanitaire s’intensifie à l’approche des vacances estivales. En vigueur depuis le 9 juin, le passe sanitaire incite de plus en plus de personnes à recourir aux tests de dépistage et à les renouveler à volonté, la validité d’un résultat négatif n’excédant pas 48 à 72 heures, notamment celles qui ne souhaitent pas se faire vacciner contre la covid-19. ».

L’Académie souhaite ainsi la fin de la gratuité pour les tests dits de convenance (pour obtenir un passe sanitaire), insistons sur la date, c’était avant le 12 juillet 2021, et le maintien de la gratuité pour les tests à des fins diagnostiques (confirmation d’une suspicion de covid-19) et épidémiologiques (traçage et identification des cas contacts).

C’est exactement cette idée que le gouvernement mettra en place à partir du 15 octobre 2021. C’est à mon avis une erreur car cela va décourager les personnes symptomatiques à se faire diagnostiquer, surtout lorsque leur absence au travail pourrait avoir des conséquences malheureuses sur la pérennité de leur emploi. Certes, dans ce cas-là, le test reste gratuit, mais ce qui change, c’est l’unité de temps : avec la gratuité inconditionnelle, il n’y a pas de délai, il n’y a pas besoin d’une prescription médicale. Avec le nouveau dispositif, il sera indispensable de voir un médecin pour avoir une ordonnance.

Or, ce temps est long. Les Parisiens n’ont peut-être pas ce problème, mais hors de Paris et des grandes agglomérations, avoir rapidement un rendez "urgent" chez un médecin généraliste devient un véritable exploit. Il suffit de regarder au hasard sur Doctolib pour connaître les disponibilités des médecins. En clair, le test de diagnostic sera réalisé avec peut-être un ou plusieurs jours de décalage, ce qui risque de contaminer d’autant son entourage si on ne décide pas de s’isoler par précaution. Il faudra d’ailleurs prendre en compte cet élément lorsque le taux de positivité remontera, peut-être de manière très artificielle (pour l'instant, ce taux s'est écroulé avec la décroissance de la quatrième de vague).

De plus, le prix des consultations médicales supplémentaires risque de rendre le coût final des tests plus élevé pour la Sécurité sociale (toutefois, répétons que l’argument invoqué n’est pas financier mais vaccinal : encourager la vaccination).

Et indépendamment des tests diagnostics, les tests dits de confort (donc sur des personnes asymptomatiques) permettent quand même de dépister des personnes infectées qui ne le savaient pas.

Dans l'un des derniers rapports de la DREES, publié le 27 août 2021, on peut y lire que dans la semaine du 9 au 15 août 2021, l'une des plus importantes pour le dépistage, 1 796 799 tests PCR ont été réalisés, parmi eux, 135 744 ont eu un résultat positif (ce qui signifie que la personne dépistée est infectée), et parmi ces personnes infectées, 59 741 seulement étaient symptomatiques, cela signifie que 56,0% des personnes infectées n’imaginaient pas qu’elles étaient infectées (il faut noter que durant cette semaine, il y a eu environ 800 000 tests chaque jour en moyenne, mais ici, on ne prend en considération que les tests PCR, les tests les plus fiables). Avec la fin de la gratuité, ce sont ces personnes infectées asymptomatiques qui risquent de passer sous les radars… à moins qu’elles ne se fassent vacciner entre-temps, bien sûr.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 août 2021, mis à jour le 27 septembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Covid-19 : est-il pertinent de faire payer les tests de dépistage ?
Covid-19 : la France plus vaccinée que le Royaume-Uni.
Les derniers rapports de la DREES sur les appariements de bases de données (à télécharger).
Covid-19 : la France plus vaccinée qu’Israël.
La vaccination contre le covid-19, ça marche !
Rapport de la DREES du 6 août 2021 (à télécharger).
Covid-19 : les Engagés et les Enragés.
Le passe sanitaire validé par le Conseil Constitutionnel.
Décision n°2021-824 DC du 5 août 2021 du Conseil Constitutionnel sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire (texte intégral).
Couverture vaccinale : la France dépasse les États-Unis et l’Allemagne.
L’heureux engagement du Président Macron en faveur de la vaccination des jeunes.
Mathématiques alternatives (une vidéo à voir absolument).
La Science, la Recherche et le Doute.
Covid-19 : se faire vacciner, c’est résister !
Audition d’Olivier Véran au Sénat le 22 juillet 2021 sur le passe sanitaire (à télécharger).
Motion de rejet préalable sur le passe sanitaire le 25 juillet 2021.
Variant delta : la territorialisation des restrictions sanitaires.
Covid-19 : les bénéfices-risques de la vaccination des adolescents.
4e vague : passe sanitaire ou reconfinement ?
Les outrances désolantes des antivax, enfants gâtés de la planète.
Fête nationale : cinq ans plus tard…
Emmanuel Macron, la méthode forte.
Emmanuel Macron face à la 4e vague (2).
Emmanuel Macron face à la 4e vague (1).

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210829-covid-eh-depistage.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/covid-19-est-il-pertinent-de-faire-235381

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/08/29/39112765.html













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