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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
18 janvier 2024

Pour que la France reste la France !

« Je suis convaincu que nous avons tous les atouts pour réussir. (…) Cette époque de crise (…) suppose avant tout audace, action et efficacité. (…) Au fond, avec une ligne simple : pour que la France reste la France ! Pour que la France demeure cette Nation du bon sens, de résistance et des Lumières. (…) Rendre au fond la France plus forte et plus juste. C'est ça le combat des prochaines années (…). La France sera plus forte dans ce monde de bouleversements si nous sommes d'abord plus unis, si nous réapprenons à partager les valeurs, une culture commune, le sens du respect (…). Nous engagerons un réarmement civique. Chaque génération de Français doit apprendre ce que la République veut dire : une histoire, des devoirs, des droits, une langue, un imaginaire, le sens profond du respect et de l'engagement. » (Emmanuel Macron, le 16 janvier 2024 à Paris).




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Je reviens sur la (grande) conférence de presse que le Président Emmanuel Macron a tenue dans la salle des fêtes de l'Élysée ce mardi 16 janvier 2024 à 20 heures 15. C'est seulement la seconde conférence de presse depuis 2017, cette forme est très rare, très solennelle, la précédente a eu lieu le 25 avril 2019 pour clore la crise des gilets jaunes et les grands débats. Contrairement à son habitude, le chef de l'État est arrivé à l'heure, et il a commencé par vingt-sept minutes d'exposé liminaire (qu'on peut lire ici), puis les questions réponses des journalistes. En tout, elle a duré près de deux heures vingt (qu'on peut écouter ici), ce qui, pour Emmanuel Macron, est assez court !

Fallait-il cette communication assez grandiloquente pour cette deuxième partie du second quinquennat ? Sans doute Emmanuel Macron voulait tourner définitivement la page difficile avec l'année 2023 et ses deux lois, la réforme des retraites et la loi Immigration, et s'ouvrir sur du plus long terme. Alors, évidemment, Emmanuel Macron fait du Macron, jonglant avec les analyses, les grandes phrases et les perspectives. Mais pas seulement : il a annoncé de très nombreuses mesures très concrètes au point qu'il serait difficile de les énumérer toutes sans faire un catalogue.

En gros, Emmanuel Macron a proposé trois types de mesures : l'autorité et tout ce qui a trait au civisme, à l'éducation ; la simplification des procédures dans l'économie pour libérer les énergies, thème souvent mis en avant depuis des décennies mais souvent en rajoutant en complexité ; enfin, la transition écologique. Ces deux dernières parties, je ne les aborde pas ici, elles restent importantes mais c'est la première qui a été surtout mise en lumière par les journalistes.

Pour Emmanuel Macron, c'est ce grand rendez-vous avec les Français qu'il a annoncé depuis le 20 décembre 2023. Au contraire de l'intervention à cette dernière date, relativement confidentielle (sur France 5 à 19 heures), le chef de l'État s'est imposé à la télévision pour le début de soirée sur beaucoup de chaînes, les chaînes d'information continue (LCP, BFM-TV, CNews, LCI, franceinfo, France 24), et quelques grandes chaînes généralistes, TF1 et France 2 (j'en ai peut-être oublié), si bien que c'était presque programme unique pour le téléspectateur. Résultat, selon Médiamétrie, 8,7 millions de Français ont écouté Emmanuel Macron ce soir-là.

Un premier sondage indiquait : 60% des sondés n'ont pas été convaincus. Mais le titre pourrait être trompeur car inversement, 40% des sondés ont été convaincus par Emmanuel Macron, et ma foi, c'est déjà élevé, bien supérieur au score du Président de la République au premier tour de l'élection présidentielle. De plus, la plupart des mesures énoncées ont été plébiscitées par les sondés (de l'ordre des quatre cinquièmes). Cela montre surtout qu'Emmanuel Macron peut être impopulaire, comme tous ses prédécesseurs quand il est dans l'action, mais qu'il sait rebondir et sortir du trou de l'impopularité, au contraire de ses prédécesseurs qui, une fois tombés dans le puits, n'en sortaient jamais (c'est valable depuis François Mitterrand).

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Contrairement à ce qui est communément admis par les commentateurs patentés, je ne pense pas que la seule composition du gouvernement de Gabriel Attal soit symbole d'un virage à droite. Ce n'est pas le débauchage de deux ministres LR, dont une, Catherine Vautrin, était déjà macroniste et même première-ministrable dès 2022, qui pourrait faire penser à cela. L'autre, Rachida Dati, a été exclue immédiatement de LR (ce qui est logique). Le gouvernement reste soutenu toujours par la même coalition, Renaissance, le MoDem et Horizons, ainsi que les Indépendants du Sénat (le groupe de Claude Malhuret issu de LR), et LR a encore une fois confirmé qu'il se plaçait dans l'opposition (le contraire eût été étonnant).

Le virage à droite, c'est plutôt dans les mots et expressions choisis par Emmanuel Macron dans cette conférence de presse, et même, auparavant, dans ses vœux aux Français pour 2024. L'expression qui a dominé cette conférence de presse présidentielle, c'était effectivement : « Pour que la France reste la France ! ». Un slogan imaginé par Laurent Wauquiez et repompé par Éric Zemmour. Cela donne l'ambiance de l'inspiration.

En fait, ce n'est pas un virage à droite mais un virage vintage. On revient... pas il y a cinquante ans, mais dans les années 50. La Marseillaise à l'école ? Il me semblait qu'on l'apprenait déjà. L'éducation civique ? Oui, bien sûr. Le théâtre ? Très bien ! L'histoire de l'art ? Oui, mille fois oui ! Mais quand va-t-on faire du français et des maths ? Parce que c'est ça l'essentiel, à l'origine. Des enfants qui sachent parler, écrire et calculer. On ne demande pas la lune, juste des bases solides pour pouvoir être autonome dans la vie future.

Chaque mesure constitue une sorte de buzz, si bien que cette conférence de presse fait office de feu d'artifice, d'aucuns diraient seulement artifice, ça peut créer des débats, souvent pour des conséquences très limitées, parfois plus importantes. Ces mesures peuvent être polémiques ou évidentes, elles peuvent toucher le sensible, la vie quotidienne, les habitudes.

Ainsi : « Je souhaite que le théâtre devienne un passage obligé au collège dès la rentrée prochaine parce que cela donne confiance, cela apprend l'oralité, le contact aux grands textes. (…) L'histoire de l'art retrouvera sa place à la rentrée prochaine au collège et au lycée. La tenue unique, qui a donné lieu à tant de débats ces derniers mois dans notre pays, et qui efface les inégalités entre les familles en même temps qu'elle crée les conditions du respect, sera expérimentée dès cette année dans une centaine d'établissements, tous volontaires. (…) Nous instituerons dans chaque collège et dans chaque lycée, dès la fin de cette année, une cérémonie de remise des diplômes, rite républicain d'unité, de fierté et de reconnaissance. ».

La « tenue unique » aussi semble plaire. Elle est pourtant une chimère. Il n'y a jamais eu d'uniforme à l'école. Veut-on avoir des enfants comme en Corée du Nord ? La tenue unique ferait-elle apprendre mieux ? Apporterait-elle plus d'autorité, de respect de l'autorité ?

Oui, la généralisation du service national universel est une bonne chose. Il permet une mixité sociale, un don de l'engagement, une appropriation des valeurs républicaines, une identification de la communauté nationale. La Nation vécue comme une grande famille. Ce que le service militaire d'antan apportait... seulement aux jeunes hommes. L'aspect social était important dans le service militaire, alors que son intérêt de défense nationale était très limité (je me souviens avoir reçu ce papier, à la fin de mon service : j'avais défendu vaillamment le territoire national, je n'allais pas contredire mon autorité militaire, mais je trouvais qu'elle exagérait un peu).

Pour Emmanuel Macron, l'autorité est indissociable du progrès : « Vous retrouverez une forme de "en même temps" qui est familier, mais qui n'est pas une faiblesse, qui est une double radicalité, qui n'est pas une ambiguïté, qui est une double ambition. Car, et c'est vrai depuis le début de notre Troisième République, l'ordre va avec le progrès, l'autorité va avec l'émancipation. Indissociables. Et donc oui, la réponse à cela, c'est l'école, l'école, l'école. ».

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L'une des idées les plus novatrices énoncée dans cette conférence de presse est sans doute l'idée de vouloir limiter l'utilisation des écrans (du smartphone, de l'ordinateur) des enfants, mais sans indiquer de piste sur le comment, car à l'école, c'est facile, il suffit de les interdire, mais à la maison, comment limiter l'utilisation des écrans des jeunes sans atteinte de la liberté individuelle ? En tout cas, cette idée est plébiscitée par les parents qui se rendent bien compte que leurs enfants n'ont pas une vie saine à pianoter en permanence sur leur petit clavier au lieu de jouer ou de courir.

Parlons du « réarmement démographique », autrement dit, de la relance de la natalité. Oui, il y a un vrai problème avec la baisse de la natalité. Là encore, ce n'est pas une idée d'extrême droite mais un simple constat : tout notre modèle social est basé sur la croissance non seulement économique mais aussi démographique. La décroissance est une catastrophe sociale pour tout le monde. Il est faux de croire qu'il y a trop de population sur Terre : on le disait déjà il y a un siècle. Il faut "seulement" organiser une meilleure répartition des richesses. Sur le plan national, on est loin de la surpopulation. Oui, le choix du mot, réarmement, utilisé à toutes les sauces, est maladroit sinon contre-productif. Il fut un sursaut démographique surtout, considérer que nos enfants et nos petits-enfants vivront dans un monde meilleur malgré toutes les peurs qu'on leur transmet, notamment avec la transition écologique.

Mauvais procès fait au Président de la République et même aux ministres (en tout cas, au Premier Ministre) de penser qu'on ne pourrait promouvoir la natalité qu'en ayant fait soi-même des enfants. Intégrer la vie privée dans les engagements politiques est bête et méchant : qui vous dit que certains auraient bien voulu mais n'ont pas pu ? C'est le même manque de respect qui a prévalu lorsqu'on a voulu lyncher médiatiquement Amélie Oudéa-Castéra ; le choix de l'école de ses enfants est personnel, intime, privé, ne regarde qu'elle-même et le père de ses enfants, et personne d'autre. Qui veut s'arroger le droit d'être l'inquisiteur des vies privées ? Et après, on râle car l'État voudrait faire Big Brother : Big Brother est en chacun de nous, méfions-nous !

Sous François Hollande, les mesures sociales ont sans arrêt porté des coups contre la natalité, en réduisant l'universalité des allocations familiales qui ont pour seul but d'accompagner ceux qui ont fait des enfants. Inverser la tendance ne signifie pas non plus taxer ceux qui n'auraient pas fait d'enfant, car ils sont déjà plus taxés que les autres puisqu'ils paient tous les services à l'enfant (en particulier l'école) alors qu'ils n'en sont pas les usagers.

Comment réarmer la natalité ? Avec le congé de naissance qui pourrait aller jusqu'à six mois pour les deux parents, mieux payé que le congé de paternité et maternité mais plus court. Cette mesure suffira-t-elle ? J'en doute. Quant à un plan contre l'infertilité, qui progresse avec toute la nourriture transformée que l'industrie agro-alimentaire nous fait avaler, il ne s'agit pas d'une mesure pour la natalité, mais une mesure de santé.

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Parlons de la santé justement. Emmanuel Macron a annoncé que le forfait non remboursé par boîte de médicament passerait de 0,50 à 1 euro (avec le maintien du plafond pour les affections de longue durée à 50 euros par an). Sa motivation est que les patients peuvent consacrer ces euros à leur santé alors qu'ils consacrent des sommes bien plus importantes pour les loisirs, le smartphone, etc. Cela rapporterait 800 millions d'euros à la Sécurité sociale.

Mais cela ne résoudra pas les déserts médicaux. Emmanuel Macron a une vision évolutive de la société. Il en comprend les subtilités et donc aussi, les risques des pièges pour résoudre trop simplement les choses. L'exemple des déserts médicaux est là pour le prouver. Que dit-il ? Qu'il faut obliger les jeunes médecins à s'établir dans les campagnes ? Non ! Le Président affirme au contraire que les déserts médicaux sont partout, même à Paris : cherchez un médecin généraliste à Paris si vous n'en avez pas !

En fait, beaucoup de médecins vont bientôt avoir 60 ans et vont partir à la retraite dans les dix prochaines années. La situation ne peut donc qu'empirer. D'autant plus que la population vieillit et sera amenée à être de plus en plus malade. Il rejette la responsabilité du manque d'anticipation sur des gouvernements d'il y a quinze et vingt ans qui n'ont pas pris la mesure de l'enjeu. Dès 2017, il a augmenté énormément le budget de la santé, et en particulier des hôpitaux.

Parmi les pistes, en plus de la formation (numerus clausus à réformer), il y a aussi le besoin de retenir en France les médecins étrangers, notamment en les titularisant (à l'hôpital) et en les payant mieux. Je reste succinct sur ce sujet ainsi que les nombreux autres sujets abordés que je ne cite pas et qui ont donné beaucoup de grain à moudre aux journalistes et éditorialistes.

Beaucoup de choses ont donc été dites, beaucoup trop pour que ce soit immédiatement digérable par ceux qui les ont entendues. Cette conférence de presse aura en tout cas marqué ce quinquennat et sans doute Emmanuel Macron y fera référence dans les mois à venir. Quant au Premier Ministre Gabriel Attal, il fera sa déclaration de politique générale le 30 janvier 2024, suffisamment loin de cette conférence de presse pour que celle-ci n'apparaisse pas comme l'ossature de la déclaration de politique générale.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (17 janvier 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Pour que la France reste la France !
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
Gabriel Macron.
Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
Élisabeth Borne remerciée !
Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

_yartiMacron2024011609




https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240116-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/pour-que-la-france-reste-la-france-252573

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2024/01/16/40176992.html







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